Samedi, nous avions prévu, avec les Brindilleuses, d'aller à Compains, dans le Puy-de-Dôme, au vernissage de Godiv'Art où nous exposions notre œuvre commune "Carte du Monde". Compains, dans le Cézallier, c'est pas la porte à côté, comme dit l'autre. C'est plus loin qu'Anzat-le-Luguet et Parrot où nous étions allés pour le Festival de Cerfs-Volants. Est-ce plus près que Pézenas? Oui quand même!
Plus d'une heure de route en mini-bus. Aussi avions-nous prévu de partir tôt.
Bonne surprise! À notre arrivée à 9h30, au CADA, tous étaient déjà prêts, avec le pique-nique dans les sacs. Seul N. qui était malade manquait à l'appel. Un jeune Tibétain, S., qui vient d'arriver au Cada et qui passait par là, accepta de remplacer N. au pied levé. En comptant Natali, la Brindilleuse qui organisait la sortie, et moi-même: 9 personnes. Le mini-bus était plein. Nous pouvions partir à l'aventure vers le Cézallier (et au-delà?).
À peine passé Blesle, le tableau de bord du bus se mit à clignoter et à sonner pour nous dire que nous étions sur la réserve. Enfin, pas nous (nous sommes modestes et toujours sur la réserve), mais le bus nous signifiait ainsi que son réservoir était presque vide. Panique à bord, nous avions entamé la montée sur le Cézallier et ne pouvions faire demi-tour.
En fait, Natali, qui était allée à Compains les jours précédents pour y installer notre œuvre, se rappelait qu'il y avait une station à Anzat-le-Luguet. Il s'agissait donc d'y arriver…
Suspense, suspense… Nos sympathiques héros arriveront-ils à destination?
Bon, nous avons pu arriver à Anzat-le-Luguet. Et nous y arrêter pour faire le plein. Heureusement d'ailleurs, car dans le bus, M., qui n'aime pas trop les virages des routes de montagne, avait rendu son petit déjeuner et en quelque sorte fait le vide. Nous sommes repartis vaillants (enfin presque tous) vers Compains. Nous avons passés Parrot, Boutaresse, Jassy etc. Pour ma part, je n'étais pas en territoire inconnu car j'y avait randonné il y a quelques années. J'expliquais d'ailleurs à Natali, qui n'en avait que faire, qu'à tel endroit, à Jassy nous nous étions abrités sous telle grange à cause d'une pluie battante, qu'au café improbable de Boutaresse, on nous laissa à peine entrer, tellement nous dégoulinions de pluie, etc… Quelle patience, cette Natali! Quelle patience, rare Lecteur!
Trêve de digressions, nous arrivâmes à Compains à l'heure pour le vernissage.
Nous fûmes accueillis avec enthousiasme par Jacques, un des organisateurs et véritable cheville ouvrière de Godiv'Art. Pour son discours d'accueil, faute de pied de micro, il demanda à M. (qui s'était remis de ses désordres stomacaux) de tenir le dit-micro.
Dans la foule, mon regard fut attiré par un curé en soutane. Je m'apprêtais, en tant qu'ancien enfant de chœur, à aller lui parler (Dominus Vobiscum) de la messe en latin (Et cum spiritu tuo) mais fus appelé ailleurs et remis l'entreprise à plus tard. Bien m'en prit car, en fait de curé, c'était un faux! C'était un acteur de la troupe de théâtre Licaplat d'Egliseneuve qui présenterait sa pièce en début d'après-midi.
Sur la place se tenait une brocante et un marché de pays et dans la salle communale, diverses expositions d'artistes locaux (ou pas). Dans un coin de la salle, M. Gradeck d'Aubière exposait une œuvre originale composée à partir de vieux outils.
J'ai été particulièrement touché par l'objet "14-18 Gueule cassée" en hommage aux mutilés de la face de la "grande guerre". Nous avons pu, avec l'artiste, parler de cette catastrophe qui inaugura le XXème siècle, de nos grands-pères respectifs qui en revinrent ou pas, de l'oubli qui recouvre peu à peu l'événement. Des enseignements aussi qu'on aurait dû en tirer et qui auraient dû nous prémunir contre le retour du pire.
M. Gradeck est descendant, d'une part, d'immigrants polonais et, d'autre part, d'immigrants italiens venus dans l'entre-deux-guerres travailler dans les mines de l'est. De quoi comprendre et se rapprocher de nos camarades venus de l'autre bout du monde (Afghanistan, Bangladesh, Pakistan, Sri-Lanka, Tibet) et dont l'histoire, à un siècle d'intervalle, rejoint celles des grands-parents de M. Gradeck.
En espérant que la suite (de l'histoire), elle, ne se répète pas…
Un peu plus tard, la troupe Licaplat d'Egliseneuve nous a livré un extrait de sa pièce, ponctuée par l'orchestre qui jouera plus tard dans l'après-midi.
À midi, à la demande de A. qui tenait absolument à aller pique-niquer dans la campagne, nous avons abandonné tout ce beau monde et trouvé un coin au delà du cimetière dans la montagne. Je ne vous détaillerai pas le menu.
De retour, sur la place du village, Quentin avait commencé sa démonstration de sculpture sur bois vert. Natali était déçue, elle pensait que ce serait un atelier et aurait voulu se confronter, elle, la Brindilleuse, à la sculpture de branche - changer de branche en somme. Ceci dit, Quentin nous a sculpté, en moins de deux, à partir d'une branche de houx une superbe cuillère en bois. En deux coups de cuillère à pots, oserai-je dire.
Puis Anne-Marie proposait une visite guidée de l'église à laquelle ont assisté le srilankais S. et le pakistanais Y. J'ai appris à l'occasion que Y était chrétien, mais que s'il reconnaissait Jésus, il ne croyait pas en ses saints (et surtout pas Jeanne d'Arc en armure). De la part de S. le bouddhiste, comme toujours contemplatif et peu loquace, je n'ai pas eu de commentaires.
Dans cette atmosphère bienveillante, nous avons fait connaissance avec de multiples personnes, intriguées parfois par notre exotique équipage:
Un couple d'agriculteurs bio, qui nous ont fait part de leurs difficultés à être acceptés par les agriculteurs du cru qui pratiquent plutôt l'agriculture dite conventionnelle. Une jeune femme qui nous a promis de rester en contact et propose un hébergement en cas de besoin aux demandeurs d'asile sur Clermont-Ferrand. Un couple d'Anglais qui habitent à Compains et y tiennent un gîte, Tim et Jan, qui ont tenu absolument à nous y inviter les jours prochains. Tim ayant un air de vague ressemblance avec Ken Loach, et, comme ils connaissaient et appréciaient son cinéma politiquement engagé, j'en ai profité pour leur demander des nouvelles de la situation sociale et des luttes en Grande-Bretagne (on ne se refait pas).
Bon, c'est bien beau, me direz-vous, patient et de plus en plus rare lecteur, mais le Land'Art dans tout cela? On y arrive. D'ailleurs, Didier et Mylène viennent juste d'arriver de Clermont-Ferrand avec des amis et Khaled et Salah, deux ex-demandeurs d'asile du Cada désormais réfugiés. On peut y aller.
Le principe de Godiv'art est d'installer les œuvres en pleine nature sur 6 communes : Le Valbeleix, Compains, Espinchal, Égliseneuve, Montgreleix et la Godivelle. En ce qui nous concerne, notre œuvre commune "Carte du Monde" se trouve à Espinchal. Au delà d'y aller pour flatter notre ego, nous devons aussi nous y rendre, pour choisir un autre endroit d'exposition, l'œuvre ayant été malencontreusement placée à l'entrée d'un champ cultivé. Nous voilà tous partis à Espinchal.
Nous avons retrouvé notre œuvre (elle porte le N°14) avec beaucoup d'émotion. Nous y avons planté le panneau descriptif: "Ce visage est fait de brin végétaux… entremêlés, entrelacés… Le tressage des brins les solidarise rendant l'ensemble robuste. La solidarité comme une force".
Mais comme nous ne sommes pas chauvins, nous avons été voir l'œuvre suivante, la N°15 donc. "Les petits lapins" de l'artiste "Pépette et compagnie".
Emilie, une autre Brindilleuse, exposait l'œuvre N°27 "Racines" à la Godivelle près du Lac d'en Bas. Nous l'avons donc retrouvée là-bas, avec son fils Clément. Elle n'avait pas fini complètement son travail. Qu'à cela ne tienne, Basir et A. les Afghans et S. le Tibétain se sont aussitôt mis au tressage des brins.
Les autres ont préféré jouer au ballon avec Clément, ou encore observer les canards avec la longue-vue installée au bord du lac. Canards punks avec crête d'iroquois, d'après Natali!
Chacun aura reconnu, bien sûr, le grèbe huppé (Podiceps cristatus) qui, comme chacun sait, fait partie de la famille des Podicipédidés.