Fête de la Musique: et si c'était déjà le monde d'hier?

En me promenant dans les rues de Brioude, ce vendredi soir de la Fête de la Musique et frappé par le succès de l'événement (les rues du centre étaient pleines), l'ambiance festive et conviviale, l'ouverture et la bienveillance apparentes de chacun, en un mot, une certaine idée du bonheur, je me suis pris à penser: et si, avec les périls qui nous guettent à très courts termes, cette fête de la Musique 2024, c'était déjà le monde d'hier.

Dans Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen, Stefan Zweig décrit la Vienne et l'Europe d'avant 1914 : insouciante, artistique, à l'apogée de sa puissance, où règne la liberté d'esprit et bouillonnent la culture et l'intellectualité. Un monde aristocratique et bourgeois qui danse au bord du volcan. On connaît la suite. 

L'histoire repasse les plats, comme dit l'autre. Elle a repassé celui-ci dans l'entre-deux-guerres engendrant les catastrophes que l'on sait, et nous le repasse à nouveau.  L'histoire repasse les plats, et c'est rarement les meilleurs.

Et pourtant, qui peut dire qu'on ne savait pas. On a eu beau dire et répéter depuis plus de 40 ans que le libéralisme économique déchaîné, la "libéralisation des forces de marché" comme ils disent (le "désencastrement de l'économie" selon Karl Polanyi) mène systématiquement à l'effondrement de la démocratie, les benêts et les demi-habiles de la mondialisation heureuse nous ont ri au nez. Et comme dans ce cercle vicieux mortifère qui donne aux puissants les armes de la puissance (moyens d'information, propagande, lobbying, corruption...) tout discours hétérodoxe est étouffé, il faut arriver au paroxysme des crises démocratiques, sociales et écologiques actuelles pour que puisse être remis en cause le consensus libéral. Avec les dangers que l'on sait. Après le mirage de la mondialisation heureuse, le mirage des solutions simplistes de l'extrême-droite.

Pour le moment présent, on ne connaît pas encore la suite.  Nous sommes même en mesure de la changer cette suite, et de briser ce déterminisme funeste. Rien n'est écrit, c'est l'homme qui fait l'avenir. Ce dimanche prochain est le moment de prendre nos responsabilités et de peut-être changer le cours d'une histoire dont on nous a dépossédés.

S'accorder un dernier moment de légèreté

Retour à la musique et à sa fête. Je n'ai personnellement jamais été un grand fan de la Fête de la Musique. Créée dans l'enthousiasme de 1981, elle m'a semblé vite devenir l'alibi aux renoncements qui ont suivi. Une sorte d'"opium du peuple". L'homo festivus comme une autre face de l'homo œconomicus...

Mais bon, il ne faut pas cracher sur le peu qui nous reste de moments de sociabilité et de plaisir collectif.  Dans le marasme actuel, on peut s'accorder un dernier moment de légèreté.
Donc, va pour la fête de la musique. Nous devions même avec notre groupe "Loco Social Club" y jouer quelques morceaux devant le café associatif "La Clef".
Comme l'année dernière, nous avions loué, pour l'occasion, un car de 60 places. Dès 18 heures au Cada, Agnès et Laura avaient battu le rappel auprès des résidents et le car était plein. Vers 19 heures, heure à laquelle nous devions commencer notre prestation, nous les avons vu arriver et remplir la petite rue de la Pardige qui jouxte "la Clef". D'aucuns nous accuserons d'avoir usé de la technique dite de la claque

A. notre chanteur, comme à son habitude, a su déclencher l'enthousiasme et, en donnant l'exemple, fait danser les spectateurs. Parenthèse: pour ceux qui nous ont ratés à la Fête de la Musique, vous avez une chance de vous rattraper samedi 29 juin à Lavaudieu où nous jouons à 15h30 au Festival'déens. Fin de la parenthèse.

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Fête de la Musique

Pour le reste de la soirée, nous avons déambulé doucement de place en place, et, comme dit plus haut, respiré l'atmosphère légère, sereine et accueillante qui se dégageait du moment. À chaque coin de rue, je rencontrais des groupes de résidents de Saint-Beauzire qui me réclamaient de faire une photo ou de figurer sur un de leur selfie. Mais ce qui m'a le plus marqué est que, à plusieurs reprises, certains d'entre eux m'ont dit: "C'est génial, votre fête de la Musique! Il en faudrait partout! Ça n'existe pas chez nous (dixit un demandeur d'asile russe)".
De quoi me mettre du baume au cœur et me faire réaliser qu'au regard de ceux qui n'ont rien, nous avons encore de beaux restes. À nous de lutter pour les préserver.

Tout ceci n'engage que moi.
JP

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Fête de la Musique
Jeudi 27 juin 2024

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