Souvenirs, souvenirs... Je hais les diaporamas!

Souvenirs, souvenirs... Je hais les diaporamas!

 

Je dois avouer que s'il y a bien une chose que je déteste ce sont les diaporamas - on dit maintenant Slideshow pour faire distingué. Comme les Powerpoint et autre Google-Slide, ils fleurissent sur internet, souvent pour ne rien dire, et sont aussi ennuyeux que leur ancêtre, la fameuse soirée diapo, que nous imposait un tonton quelconque pour raconter ses aventures au Club Med, dans les années 70-80.

Sur fond de musique mielleuse et enrobés d'une esthétique paresseuse et kitsch, ces slide-shows n'ont qu'un avantage: on peut les zapper. Ce qu'on ne pouvait faire dans les années 70-80 si l'on ne voulait pas s'aliéner le tonton aventurier.

Je hais les diaporamas! Et pourtant!

Il y a quelques années. Une éternité. En 2017, alors que le CADA était encore un CAO, pour le premier Festisol (Festival des Solidarités), on m'avait demandé, en exploitant le stock de photos qui avait été réalisées par les bénévoles depuis l'ouverture du Centre en 2015, on m'avait demandé donc, de faire un dia-po-ra-ma. Qui plus est, Imed, qui était alors animateur social au CAO, avait lourdement insisté pour que j'y mette en fond sonore la chanson de Brassens, "L'auvergnat".

J'étais à l'époque déjà, avec l'âge, devenu moins dogmatique, moins entier que dans ma péremptoire jeunesse. Plus coulant donc. Je mis mon amour-propre dans ma poche avec un mouchoir par-dessus et m'exécutai.

En rangeant mes archives, je suis tombé sur ce diaporama que j'avais complètement oublié. Je me souvenais seulement, pour le fond sonore, d'avoir écourté Brassens (pour ne pas avoir de problèmes avec la SACEM) et de l'avoir mélangé avec une improvisation de jazz Manouche sur la même trame harmonique (ce qui m'avait donné beaucoup de mal et était passé complètement inaperçu).


Et pourtant, en le redécouvrant aujourd'hui, je retrouve là un passé, des lieux, des visages surtout, parfois des prénoms, des anecdotes, des bouts de vie... Que sont-ils tous devenus?
Un CAO, un CADA est un lieu de passage, les demandeurs d'asile n'y restent que le temps du traitement administratif de leur demande d'asile. Cela peut durer plus ou moins longtemps, mais en général suffisamment pour y nouer des liens forts.

Si pour certains, on se souvient du résultat de cette demande d'asile et des conséquences sur leur vie d'après, pour beaucoup, on ne sait ce qu'ils sont devenus, ni ne se souvient de l'issue de leur passage. Certains ont été déboutés, sont devenus des sans-papiers et se cachent en attendant un avenir plus clément, d'autres sont partis à l'étranger demander un asile qu'ils n'ont pas obtenu en France, les plus chanceux (chanceux n'est pas l'adjectif adéquat quand on connaît ce qui les a poussé à l'exil) ont obtenu cet asile et sont partis vivre leur nouvelle vie et travailler on ne sait où en France, d'autres enfin après l'obtention de leurs papiers sont restés dans la région (Brioude ou Clermont) et restent en contact avec nous. Certains même restent bénévoles à la Loco et aident leur camarades pendant leur séjour au CADA. Et l'on s'en réjouit.

Mais nous, bénévoles, ne voyons souvent que la face lumineuse des choses. Il ne faut pas oublier que notre rencontre avec eux se situe dans un moment de leur parcours d'asile qui est souvent le plus apaisé (même si leur séjour en CADA n'est pas une sinécure). Qu'on ne peut savoir, ni imaginer ce qu'ils ont vécu de souffrances physiques ou morales, d'abandon, d'arrachement et de deuil.

Encore plus aujourd'hui où depuis la Loi Collomb, nous n'avons plus à faire avec les "Dublins" qui vont directement dans les CRA (Centre de Rétention Administrative) loin des regards des citoyens et bénévoles, avant d'être renvoyés demander l'asile dans le pays où ils ont laissé leurs empreintes et où l'accueil n'est pas toujours des plus aimables (Bulgarie, Grèce, Italie etc.).

Voila les souvenirs et les réflexions que ce vieux diaporama de Festisol 2017 fait remonter à la surface.

Allez, on sort les violons et on cite Rutebeuf: 
"Que sont mes amis devenus, / que j'avais de si près tenus / et tant aimés"
Mais on oublie pas que le dernier vers est:
"L'espérance de lendemain / Ce sont mes fêtes"

Encore un diaporama? Ne serais-je pas devenu le vieux tonton des années 2020?

JP